-
- Poezii
de Ionuţ Caragea traduse în franceză de Constantin Frosin - volumul Cer fără
scări, editura eLiteratura, Bucureşti, 2014
UNE SEULE PATRIE, UN SEUL SÉPULCRE
ma patrie, sa douleur moult me brûle –
comme un sacro-saint serment me soûle,
parmi les oreillettes et valvules
toujours un sang sacré s’écoule.
je vis, mes yeux au lointain se livrent,
vers l’est, du côté de ma mer ;
je vis également dans cet autre livre,
crucifié par bon nombre de vers.
je vis sans cesse le même mélodrame,
parmi chimères et vies égales,
comme les larmes d’une mère : son dor, quel drame,
pareilles aux rosées matinales.
je vis par les yeux, par la pensée
tout ce qui était et sera ;
je vis, quand la ligne se couperait,
au fil d’agonies - aux abois.
je vis le blasphème de l’aliéné
poursuivi par le dor qui m'enserre
en inconnu à l’oubli voué…
en quelle langue dois-je rejoindre l’éther ?
Je vis le jour sur Google
je vis le jour sur Google
j’ai ouvert les yeux et j’ai vu une certaine fenêtre donnant
sur l’au-delà des limbes, à qui je devais probablement m’adresser par « Mère
»
je les ai effleurées de mes doigts carrés
malheureusement, j’ai appréhendé
de ne pas les blesser et de m’attirer un froissement
mes paroles requéraient un bien terrestre effleurement
on a beau se tenir par les mains
nous n’aurons jamais de prise sur le public
juste une de courant
mais on sait les deux que la véritable manne céleste
est un abonnement
ily a longtemps, j’ai reçu un message de Dieu
il me disait que le jour viendrait où
il n`y aurait qu’une seule Église Universelle
la foi, oui, la foi sera un état d’euphorie
déclenché par le besoin des humains
de voir au-delà du nihilisme
je vis le jour sur une page d’histoire
laquelle ne sera jamais écrite, à coup sûr
il en restera une péripétie
transposée dans des millions de pixels
je suis mort sur Google entouré par des milliards
de fenêtres ouvertes tout simplement par inadvertance
comme quoi arrêtez de répéter
que le Seigneur est aveugle
La métastase de la neige
ici-bas, chaque poète a sa propre identité
les paumes pareilles aux feuilles d’érable
dans les couleurs de l’été indien
la métastase de la neige dans l’âme
le Seigneur situé à une trop longue distance
alors que le froid arctique
accroche sa soutane aux portes
toute cette neige me rend aveugle, me voilà aveugle
et tout ce qui m’appartient encore, c’est ma Mer la Noire
telle un corbeau aux gencives ensanglantées
ou un corbeau les larmes aux yeux
volant tous les soirs aux confins des rêves que je fais
afin qu’il me rende ma vue du temps jadis
ici-bas, chaque poète a sa propre identité
pas même le vin ne me permet plus
de m’éperdre dans l’apothéose du délire
pas même la fumée embaumant l’arôme des cerises ou pêches
pas même les photos évoquant mes amours
que j’avais emmurés dans des poèmes mathusalémiques
rien, rien, rien
peu à peu, tout doux, la métastase des neige
fait que je mue en un triste bonhomme de neige
auquel pas le moindre printemps
pas plus qu’aucune journée du douze avril
n’effaceront le sourire absent
Poésie bilingue
le jour vient où la poésie attend
dans une station de métro, dans l’autobus
dans une voiture restée en panne, sur un banc du parc
près de la fontaine publique, dans le Vieux Port
dans la cathédrale Notre Dame
il vient un jour où la poésie attend
pour partager un repas frugal avec un poète affamé
venu de loin, de très loin
le jour vient où la poésie attend sous un parapluie
en regardant vers les coulisses d’un orage
vers je ne sais quelle lisière des pensées
il est là ce jour, cette nuit abandonnée par les rêves
c’est la cagade de la journée d’hier
c’est tout pareille à une séparation muette
aux serrements de mains fines, élégamment gantées
pareillement à une peau de chagrin
je suis parti, je suis parti, je suis parti
ne m’arrêtes pas cette vague qui monte
comme un tsunami et coule
au travers de mes veines
regarde, lis, mais ne me touche surtout pas
ne donne pas de verdict, surtout ne me dis pas
ce qui est bon ou mauvais
c’est bien moi le Seigneur de mes propos
c’est bien moi la croix sur ma tombe
c’est bien moi la politique de mon cœur
c’est bien moi la monarchie absolue de mes pensées
et et et
et ainsi de suite
le jour est venu où l’on bâtit une maison
sur l’arbre de ma vie
mes mains sont si froides
le jour est venu où la statue en marbre
voudrait s’évader de l’homme
je suis parti, je suis parti, je suis parti
va, trêve de causer à mon ombre
ne casse pas ton miroir
ne me jette pas des éclats de verre
ne t’avise pas de me corrompre
par les trente deniers
pour me frapper, juste pour me frapper
je n'appartiens à personne et j'appartiens à tout le monde
sans pour autant me vendre
pour tout l’or du monde
et et et
il est venu le jour où la poésie attend qu’on l’écrive
dans une langue diverse et me demande
dis voir, l’étranger, de quel pays viens-tu ?