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Poeme de Michel Chevalier (pseudonim - Stellamaris),
directorul editurii Stellamaris, Brest, Franţa
 
 
  • L'Être
    (à son fils)

    J’aspirais à la joie, et je l’ai rencontrée
    – Le sais-tu ? – Maintes fois, en de très nombreux lieux :
    Un sourire d’enfant, un rire au coin des yeux,
    Ah, cela peut soigner plus d’une âme égarée !

    Qu’est-ce que le Néant, que sa crainte sacrée
    Qui me tétanisait ? Moins que du vent, mon vieux !
    Vraiment, la vie abonde en instants précieux,
    La soif de qui les cueille en est désaltérée !

    Combien de temps vivrai-je ? Un siècle, ou moins d’un an ?
    Après tout, peu me chaut, si je vis pleinement,
    Émaillant mon séjour sur terre de partage,

    Ouvert à l’imprévu, sachant m’émerveiller
    De voir un arbre mort au printemps verdoyer !
    Vivre, tout simplement, n’est-ce pas le plus sage ?

    ―― Fin ――
     



    "Histoires d'Armor et d'Argoat"

    (une légende de mon cru, basée sur la croyance que les trépassés, en breton les anaons, se réincarnent parfois sous la forme de goélands)

    J’entends crier un goéland
    Pour me raconter son histoire ;
    Car c’est un drame époustouflant !
    J’entends crier un goéland,
    Et j’écris ce poème lent,
    Que ne se perde sa mémoire ;
    J’entends crier un goéland
    Pour me raconter son histoire.

    Il fut Yann, un marin pêcheur,
    Un solide gars de Molène ;
    Mais la mer est parfois sans cœur !
    Il fut Yann, un marin pêcheur
    Naufragé, par un soir de peur
    Et de tempête à perdre haleine.
    Il fut Yann, un marin pêcheur,
    Un solide gars de Molène.

    C’est un anaon maintenant ;
    Il vole au vent, l’aile légère,
    Errant sans fin, tourbillonnant…
    C’est un anaon maintenant !
    Il s’attarde, tout en planant,
    Sur le port, ne peut s’en abstraire ;
    C’est un anaon maintenant ;
    Il vole au vent, l’aile légère.

    C’est là qu’il aperçut Nolwenn,
    La belle ravaudait ses voiles ;
    Il se crut soudain en Éden !
    C’est là qu’il aperçut Nolwenn ;
    Comment ne pas rêver d’hymen,
    Tant elle éclipsait les étoiles ?
    C’est là qu’il aperçut Nolwenn,
    La belle ravaudait ses voiles.

    Suppliant, il l’obtint d’En-Haut,
    Cette faveur empoisonnée :
    Devenir un homme, aussitôt.
    Suppliant, il l’obtint d’En-Haut ;
    Le prix : Ne pouvoir dire un mot,
    La peine est disproportionnée !
    Suppliant, il l’obtint d’En-Haut,
    Cette faveur empoisonnée.

    Il sût attirer son regard,
    Il était de belle tournure.
    C’est en l’aidant, dans le hangar,
    Qu’il sût attirer son regard ;
    Il mit en œuvre tout son art
    Pour ajuster une rainure ;
    Il sût attirer son regard,
    Il était de belle tournure.

    Tous les jours il vint travailler
    À restaurer sa goélette ;
    Comme il aimait la côtoyer !
    Tous les jours il vint travailler,
    L’on vit son bateau flamboyer ;
    Quelle complicité muette !
    Tous les jours il vint travailler
    À restaurer sa goélette.

    Un jour, l’ouvrage fut fini,
    La belle vers d’autres contrées
    Mit la barre en catimini.
    Un jour, l’ouvrage fut fini,
    Vers un pays indéfini,
    Elle s’en fut. Larmes prostrées !
    Un jour, l’ouvrage fut fini,
    La belle vers d’autres contrées

    Partit. Et le pauvre fut seul !
    Il pleure. C’est la fin du rêve.
    L’espoir d’une noce au glaïeul
    Partit. Et le pauvre fut seul ;
    Autant revêtir son linceul !
    Elle est – et de peine il en crève –
    Partie. Et le pauvre fut seul !
    Il pleure. C’est la fin du rêve.

    Tristement, il reprend son vol,
    Criant, jusqu’à la fin des âges
    Sa peine et son immense dol.
    Tristement, il reprend son vol,
    Errant sans but, à moitié fol.
    Sur terre, aux cieux, il n’a d’ancrages !
    Tristement, il reprend son vol,
    Criant, jusqu’à la fin des âges.

    J’entends crier un goéland
    Pour me raconter son histoire ;
    Car c’est un drame époustouflant !
    J’entends crier un goéland
    Et j’écris ce poème lent,
    Que ne se perde sa mémoire ;
    J’entends crier un goéland
    Pour me raconter son histoire.

  • Sursa: Michel Chevalier, 22 martie 2020