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Daniel Malbranque - Avant le point final, la joyeuse pagaille.
 
 
 
Bio Daniel Malbranque

    Né à Brest en 1953. Études de philosophie avant de choisir durant 10 ans l'errance (Europe et Asie). Animateur de radio de 1983 à 1998. Puis Fonctionnaire des finances. Membre du club des Hydropathes de Périgueux depuis 2009. Créateur en 2018 de la revue de poésie La Vie Multiple, 20 numéros à ce jour. Fait partie du comité de rédaction de la revue littéraire Instinct Nomade. Nominé au prix Troubadours 2020. Dernières publications : La Perte des rêves (éd. Germes de barbarie, 2022), Aller voir ailleurs (éd. Germes de barbarie, 2020), Des nuits de l'outre-soi & de certains jours renaissants (éd. Germes de barbarie, 2019), Cette voile sobre qui cingle (éd. Thierry Sajat, 2017), Comme un reflet sur l'au-delà (éd. Thierry Sajat, 2015). A paraître Le Viol de soi-même (printemps 2024, éd. Germes de barbarie), Trois voleurs de feu (2024, Raz éditions)
 

Poèmes extraits du recueil inédit : Avant le point final, la joyeuse pagaille.

DRÔLATIQUE

Drôle de vie que de la passer
à faire de la poésie
à griffonner des vers des vers des vers
sans que le sens commun
y trouve ses petits

Drôle d’existence à vouloir
lire dans les nuages
quelconque secret qui n’existerait pas
tandis que d’autres veulent y voir
juste s’il va pleuvoir

Drôle de destin à s’abîmer la pensée
en des gouffres insondables
qui n’ont de profondeur
que celle du nonsense et de l’écho
de nos de nos de nos pauvres mots

Drôle de jeunesse passée
sans se lasser à quêter la vérité
de l’Azur qui pur jamais ne sera
guipure ni jaspure La vieillesse
arrive trop vite c’est sûr

Et la vie putain comme c’est drôle
impossible de la recommencer
d’en corriger le moindre petit alexandrin
de changer le titre
après le point final.


AU BORD DE LA RIVIÈRE

Laissons passer le temps
comme un soleil
sur nos torses nus
Vibrons sous la brise
qui remue trembles et frênes
et nos souvenirs
au bord de la rivière
en ces après-midi de chaleur
de paix de rêve d’enfance
sur la couverture dépliée
des parents
bulle de sérénité
en la citerne percée de l’éternité


LÉVITATION

Relisant mes propres poèmes
sur le parvis de la Gare Montparnasse
au milieu du fourmillement
incessant en tous sens hallucinant
de ceux qui viennent de ceux qui vont
de tous ceux qui se croisent et croassent
à leur portable comme de pauvres fous
guidés par je ne sais quelle idée
d’aller et venir au rythme du crincrin
de leurs valises à roulettes je lève la tête
et sous les nuages qui défilent
autour de la Tour un instant sublime
je me sens flotter comme plume
d’aigrette emportée par le vent


OMSK

à Svetlana et Shunsuke Nakata

Je n’irai jamais à Omsk
et pourtant le nom de cette ville
résonne comme un appel
au rêve au voyage à l’horizon

Les voix qui peuplent ses rues
ne me seront jamais connues
et pourtant j’entends leurs mots
de tous les jours et de toutes les nuits

Je vois même le long de l’Irtych
gelée courir les espoirs fous
et s’abandonner petits et grands malheurs
Je vois le soleil sur Lioubinsky prospekt

J’y vois l’ombre de Michel Strogoff
qui répond à celle du pauvre Fiodor
sortant de la triste Maison des morts
dont il se souvient avec douleur

Hélas ! je ne crois pas qu’un jour
à Omsk j’irai et pourtant au bras
de Shunsuke j’imagine Svetlana
heureuse devant Tatarskiye Vorota


LE PRINTEMPS EST A VENISE

Plume d’automne Plus rien dans le ciel qui glisse
à la lumière de la nuit pauvre d’étoiles
Les ténèbres naissent quand le cœur se referme
L’aurore disparaît si les lèvres se taisent

Se toisent alors les ombres venues du temps
de novembre où les feuilles roussies s’envolent
À quoi peut rêver l’arbre dépouillé L’hiver
est à venir et le printemps est à Venise

Nous n’irons plus au Carnaval ni sur le pont
des Soupirs Celui des Arts nous suffira comme
toit et comme trompe-faim un noyau de cerise

Les confitures sont bien trop sucrées au seuil
de la mort Ce qui dégouline c’est le jus
rance de nos âmes noir raisin de la vie


GENÈSE

De son doigt il déclencha
l’incendie du Cosmos
et les soleils en feu fusèrent
périphérie des galaxies

Il évita de donner son nom
On sait juste qu’il portait
blouse et moustache et haute
l’idée de braise insidieuse

Les initiés n’ignorent pas
son doux penchant pour la bouteille
ni son amour pour le sain doute

Quand il est ivre il prend son bateau
et dans l’Espace s’en va faire
le pyromane chez les autres univers

Sursa: Daniel Malbranque, 1 nov. 2023