Choix de poèmes de « Le Désert de
quartz », George SCHINTEIE (traduit du roumain, par Gabrielle
DANOUX)
Étonnement
que voulez-vous faire vous les anges
avec les paroles que vous exigez quotidiennement de moi
ordonnées en poèmes
elles m’aident à comprendre le sens du bruit
de la lune en forme de tuba
qui descend dans ma propre absence
et m’apprend à espérer
je redresse mes pas quand étourdi
je me laisse porter dans ma propre errance
dans laquelle je resterais muet s’il n’y avait pas leur déclamation
limpide et ascendante à l’instar d’ailes
de neige s’étant déposée sur toutes les ombres
dont surgissent des fontaines à la croisée des ans
mes veines sont gonflées de paroles
et je ne trouve point le temps de les caresser
mon cœur bat la chamade et
je tournoie dans une sphère intégrée au cube de la vie
sans issue
mes yeux embrassent l’aube avec une intensité incontrôlée
comme si s’était le dernier lever
d’un soleil figé
Dissimulé dans une étoile
pendant mon enfance
je me cachais en catimini dans une étoile
surtout les nuits d’été
après les pluies rapides qui me surprenaient dans les champs
j’avais l’arc-en-ciel dans l’âme
je le gardais précieusement à l’endroit du cœur
pour ressentir les battements des couleurs
comme un éventail du temps
dispersé en secondes
dont je faisais souvent des petites barques en papier
les laissant s’en aller sur l’océan imaginaire
le ciel s’ouvrait de plus en plus pour que je puisse
y compter les ombres des pas
que je faisais avec une rapidité
digne de la vitesse de la lumière
et pour me sentir heureux
je courrais comme dans un rêve
sans me soucier de quoi que ce soit
vers mon étoile qui sûrement m’attendait
chaque soir quand j’étais nostalgique
à présent je n’ai de cesse de la chercher et je ne la retrouve plus
peut-être m’a-t-elle abandonné
peut-être ai-je changé
ou bien elle s’est cachée comme moi en catimini dans
une autre enfance
dans laquelle sans cesse et confiant je me suis glissé
en m’évertuant à vivre l’éternité
Un sourire
la soirée se presse contre les instants qui passent
comme les brebis dans le parc pour la traite
les unes contre les autres dans une toile d’araignée
dont même si je voulais
je ne pourrais plus sortir
la pénitence du silence me convient
j’attends la symphonie des cigales
et un invisible chef d’orchestre
qui m’offre une dizaine d’années
de l’enfance égarée sans le vouloir
à cause de restrictions d’époques vétustes
que je fasse de nouveau voler les papillons
plus lentement cette fois-ci que
les années qui me déposent chaque jour en bas de l’escalier
un sourire nostalgique
de passage
Illusion à deux
nous prenons place chacun sur un rivage
chacun avec sa propre mer
et nous nous mettons à nous nourrir
avec la lumière qui pénètre
nos pensées jusqu’au vortex de l’âme
le soleil se détache comme une coccinelle
timide de la ligne de l’horizon
et nous porte les illusions
comme un parachute incontournable
dans toutes les directions mais
surtout vers le nord
l’attente devient de plus en plus confuse
et caressée par les vagues
elle se dissout dans d’inaudibles paroles
que chacun d’entre nous
adresse à l’autre
après un temps arrive la tempête
et bouscule nos aspirations
superposées sur les sentiments
égarant notre vie
dans une bribe
d’éternité
Le sablier aérien
l’hiver a boutonné tous ses boutons
comme une cape de vie par-dessus
les âmes fourbues par l’absence de vie
il prend place à la table où j’écris
plus assoupi que le souvenir
à travers lequel me portent les années indéterminées
et oubliées dans les traces de pas dans la neige
je passe des doigts durs dans mes cheveux
quand j’observe dans le miroir
le visage incommensurable de l’amour
que je crains
et troublé je reviens dans le présent
quand le clavier de mon ordinateur devient ailé
et vole mon cœur dans une fleur
de lotus par-dessus tous les poèmes
ébouriffés dans le sablier aérien
les métamorphosant en statue de glace
Comme si
mettons un frein au temps
me dit l’ange
et il me prend par la main :
réjouis-toi de l’instant qui presque
nous recouvre la marche
et regarde vers l’horizon
comme si tu cueillais lentement
le pappus des pissenlits
qui recouvre les étoiles
L’automne
septembre pleut à travers tous les yeux du jour
et inonde du regard la saison toute entière
les ombres timides se sont dissimulées parmi les nuits
et attendent optimistes un lever de soleil
tous les amours errent aveugles dans l’âme de la mer
en quête d’une vague de sauvetage
pour les rejeter au rivage dans une espérée survie
seul moi égaré dans les pensées azuréennes
je reste sur un rocher et impuissant je suis du regard
comment coulent les navires qui n’ont de cesse de me hanter
tandis que l’automne déjà installé
se dérobe sous mes pieds