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Jean-Paul Gavard-Perret - Ici et ailleurs
 

Jean-Paul Gavard-Perret poursuit une recherche poétique et critique ponctuées d’articles,
de livres de création et d'essais (dont "Samuel Beckett, l’imaginaire paradoxal et la création absolue").
Ses plus récents livres sont publiés par les editions Constellations en 2022 et 2023 :
"Le sourd dîne à l'huile", "Phares d'eau", "Pro-loques", "La sueur des kiwis".
Bibliographie complète sur sa page Wikipedia.


Ici et ailleurs
Le lieu, toujours le même.
Le lieu jamais atteint..
Impondérable sommeil.
Le montrer ne soulage en rien le manque.
C’est un mal nécessaire.
Qui donc au fond de lui peut se reconnaître ?


Je ne sais rien de vous. Je sais tout.
La profondeur de votre âme
Votre visage voilé ou migrateur.
Qu'il soit l'abîme
Où l'écriture finit par se terrer
Puis se taire.
Vos mouvements perpétuels
A l’ombre et du soleil.
Avec vous je roule dans les songes et les cendres
Dans la fraternité du même
En manque d’espérance.


Pluie d'hiver, pluie d'été.
Mince filet sur le sable
Quand la marée se retire.
A mesure que le temps passe.
Sa démesure.

Corbeaux noirs dans le ciel de Van Gogh.
Murs jadis étincelants de Giotto.
Fonds de Van Eyck.
Tendre route. Verre trouble.
Violettes incertaines
Sexes fleurs des roseaux.
Noirs lambeaux qui flottent.
Baudelaire n’est pas loin.
Son haleine de morphine
Ses draps de presque linceul
Dans un hôtel belge miteux
Force perdue entre derrière la portes :
Qu’en ferait-il aujourd’hui ?


Douleur n'est que berceuse.
Le corps a capoté.
Imaginez le reste
Mais abréger le pipeau,
Ne plus ressasser les sornettes
Afin que les autres puissent dire :
"Il a de la bouteille".
Mais ne pourront jamais dire combien.
Le monde n'est pourtant pas une ivresse
Il n'y a pas de cuite exceptionnelle,
Pas de cuite du siècle.


Mais regardez de quelle façon
Vous ouvrez une huître ?
C'est du viol !
De quel droit pourfendre
Son univers nacré ?
Le jus de citron
Qui brûle sa sensibilité
Est peut être la votre.
Le sable est plus patient :
Il attend qu'elle éclose.

Entendez gémir de sécheresse le plancher
N’hésitez pas à l'arroser à grande eau
Comme vous le faîte pour vos arbustes.
Il aime cette faveur
Elle lui rappelle les pluies d’antan
Sur ses atomes de feuillus.


Notre chant n’est pas très enjoué
Mais écoute le quand même.
Nous sommes les corbeaux,
Les gardiens des trous noirs.
Sache que de l’autre côté,
Une fontaine t’attend.
Elle coulera abondamment de tes larmes
Pour te relier à la lune

La lumière, c’est la spiritualité.
Fixée au mur
Le cadre qui la maintient
Prouve qu'ele n'esr pas noir de peau
Mais le contre-jour de votre regard
Qui la discrimine.


Il y a un tel mal-être chez le civilisé
Que sa vie ressemble à un croyant
Qui a oublié Dieu.
Il s’enferme dans les dogmes
Et cadenasse sa femme à la cave,
Un soupirail à l’emplacement des yeux.
 

Sursa: Jean-Paul Gavard-Perret, 1 Nov. 2023